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Quand j'écris à propos d'un livre, je suis toujours très ennuyée de devoir "raconter l'histoire". Cela "se fait". C'est même quasiment obligatoire.

En ce qui me concerne, ce n'est pas que l'histoire ne m'intéresse pas ou que je la place en-deçà de l'écriture, de la qualité stylistique, etc. Que nenni. Pour moi, l'histoire, c'est l'histoire : c'est capital, c'est le nœud, le centre… Bref, je suis une rêveuse, et j'ai besoin d'histoires pour rêver.

Cependant, je n'ai pas la prétention de croire que je pourrais "bien vous raconter cette histoire", en trois phrases et de façon à vous donner envie d'aller lire ce livre. Alors – comme finalement je suis chez moi – et bien je ne vous la raconte pas. Vous n'avez qu'à aller voir. Les plus paresseux d'entre vous la trouveront bien sur un site quelconque ou sur un autre blog.

Moi, je vous donne un extrait, et je vous parle de mon ressenti.

Shimamoto-san était une fille précoce, sans aucun doute, et je suis sûr qu'elle était amoureuse de moi. Moi aussi, j'éprouvais une vive attirance pour elle, mais je ne savais que faire de ce sentiment. Comme elle, certainement. Une fois, une seule, elle me prit la main. Elle voulait m'indiquer une direction et me saisit par la main en disant: «Vite, par ici!» Nos doigts restèrent entrelacés à peine dix secondes, mais cela me sembla durer une demi-heure. Et, quand elle relâcha son étreinte, je regrettai qu'elle ne l'ait pas prolongée davantage. Et puis j'avais bien compris que son geste était spontané, mais qu'elle avait aussi envie de voir ce que cela faisait de tenir ma main dans la sienne.

Aujourd'hui encore, je me rappelle nettement cette sensation si différente de tout ce que j'avais connu jusqu'alors, et de tout ce que je ressentis par la suite. C'était simplement la menotte tiède d'une fillette de douze ans. Mais il y avait rangé à l'intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une malette d'échantillon, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie. C'est elle qui m'apprit, en me prenant la main, qu'il existait bel et bien un lieu de plénitude au coeur même de la réalité. Au cours de ces dix secondes, je m'étais senti comme un parfait petit oiseau. Je volais dans le ciel, sensible au vent dans mes plumes. Depuis le ciel, je contemplais des paysages lointains. Même s'ils étaient trop loin pour que je puisse distinguer avec exactitude, ce qui s'y trouvait, je savais désormais qu'ils existaient. Un jour ou l'autre, je pourrais y aller. Cette vérité me coupait le souffle, faisait vibrer ma poitrine.

 

Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil est ma première lecture de Haruki Murakami, et je suis tombée en amour. Avec cette écriture fine et ciselée, d'une précision exquise comme la douleur du même nom.

 

Parce que dans ces descriptions a priori si banales, presque plates, de circonstances et de déroulement, sourde une vraie douleur, un vrai questionnement. Je suis sortie de la lecture de ce livre changée. C'est rare. Et beau.


* Haruki MURAKAMI, Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, 10/18, Domaine étranger, p.19.
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