Ma belle,
Je sais que pour toi, c'est difficile pour le moment. Tu l'as tellement attendu ce bébé, tu le voulais tellement ! Et maintenant qu'il est là, ton petit Bastien, tu ne sais plus comment le prendre et tu me dis "Il ne m'aime pas" et "Je ne suis pas sûre de l'aimer"…
Et tu n'oses pas le dire à quelqu'un d'autre : est-ce que c'est possible, ça, de ne pas aimer son bébé pour une maman, je dois être monstrueuse…
Je vais te dire un secret. Et je regrette que c'en soit un, car si on m'avait prévenue, moi aussi j'aurais peut-être moins souffert. Le voilà : tu sais, l'amour, dans la plupart des cas, cela se construit. Il faut du temps. Il faut le temps que entre ce nouveau petit être – qui n'en a pas encore bien conscience – et toi, se construise quelque chose qui va s'appeler la relation.
Il y a des mamans, je n'en doute pas, qui à l'arrivée du tout-petit, ont tout de suite senti leur cœur chavirer. Et il y en a d'autres… pour qui peut-être l'accouchement a été plus difficile ou pour qui les circonstances ont joué d'une façon ou d'une autre, parce qu'il y avait quelque chose à l'intérieur d'elle ou au contraire parce que s'est passé quelque chose de complètement extérieur à elle, pour qui cette révélation n'a pas eu lieu de cette manière.
Je peux le dire, cela a été le cas pour moi. Mais l'amour est venu, tu sais, oh que oui ! Je suis folle d'amour de ma fille et ce qui s'est construit doucement – parfois vraiment trop lentement à mon goût – est désormais inaliénable.
Sois à l'écoute, tout simplement, essaye de trouver un sourire, une odeur, un geste qui te rattachera à lui. Et fais lui confiance. Et fais confiance au temps.
Encore deux choses importantes. La première : ne culpabilise pas. Pourquoi le ferais-tu ? Tu ne sais même pas à ce stade si les choses ne sont pas "pour le mieux"…
La deuxième : un bébé, ma belle, ça pleure. Et oui, c'est parfois insupportable, mais c'est sa seule façon ou presque de s'exprimer. Arme-toi de patience. C'est plus facile à écrire qu'à faire mais tu verras, il passera tellement vite, ce temps…
Ah oui aussi :
Isabelle Filliozat, Il n'y a pas de parent parfait, JC Lattès, 2008.