Quand j'étais gamine, mon père me racontait qu'il était agent secret. Qu'il avait été recruté pendant la guerre de Corée et que depuis, il travaillait pour des gens haut placés mais chhhhht. C'était un secret. Il ne fallait surtout pas le dire à ma mère. Et moi, je le croyais. Je n'avais pas réalisé (pas vraiment cherché non plus) qu'à la guerre de Corée, il avait quatre ans.
Puis, il m'a raconté – j'étais un peu plus grande – qu'il devenait moine. Ça me semblait bien un peu étrange, parce qu'après tout, il avait une femme (bon, ex, d'accord), et trois enfants, mais, me disais-je, les cathos sont prêts à tout pour recruter !
Encore un peu plus tard, il me raconta qu'il était un cambrioleur de haut vol. Puis, cascadeur et doublure de certains acteurs (euh, il a pas l'physique). Qu'il travaillait pour le Pape (si !) et pour le Président (jamais su lequel).
Il m'a raconté qu'il était né en 23, mais qu'il faisait jeune. Que sa mère n'était pas sa mère mais l'avait trouvé dans une caisse à savon. Qu'en fait, il était de la haute noblesse.
Il m'a raconté tellement de choses que je pourrais écrire une collection. Une saga.
Quand j'ai cessé de croire à ses histoires, j'ai aussi découvert que lui y croyait, que tout le monde se disait qu'il était dingue, mais que personne n'osait rien dire à la petite fille que j'étais et qui le regardait les yeux écarquillés d'admiration.
Il me disait aussi que je faisais le meilleur café du monde. Et qu'il était capable de boire deux litres de whisky. Ces deux choses là étaient tout à fait vraies. Et le sont toujours.
Allez, papa. Bois un verre à ma santé, j'en bois un à la tienne.
Je suis pas sûre que ce soit le meilleur hommage qu'une fille puisse faire à son père en ce jour de fête, mais c'est le seul dont je sois capable.
A nous.