Depuis des mois, je traîne une fatigue incommensurable. Et de traîner, donc, les pieds, les mains, la tête. Je m'agace, je m'irrite, pourquoi suis-je toujours si fatiguée ?
Je me condamne : c'est parce que je vis mal, dans mon avidité, je mange trop, bois trop, réfléchis et travaille de travers, rien ne va, c'est la vie à l'envers.
Et cela s'aggrave. De jour en jour, la fatigue s'accumule, les tensions augmente, les passions s'essoufflent. Déprime, dépression suivent fatigue.
L'horizon se rétrécit, les couloirs deviennent étroits, les portes se referment, je me referme sur moi-même, j'oublie de respirer, j'étouffe.
Fatigue suit déprime, dépression. On n'en sort pas.
Qu'est-ce que c'est, cette boue du fond de moi ? Je ne sais même pas.
Je patauge dedans, me débats, ça me fatigue.
Écœurement, dégoût suivent fatigue.
Puis, là… Aujourd'hui… Je me réveille. Je ne suis pas fatiguée. Un mouvement d'étonnement, d'abord. Bizarre, quelque chose a changé. Mais quoi ? Ah, la tête n'est pas lourde. Les yeux ne se ferment pas, les épaules ne retombent pas. Je m'étire. On dirait que je cherche quelque chose. Où est la fatigue ? Où est la déprime ? Où est la nausée ?
Parti, fini.
Je suis réveillée maintenant. Je m'étire, il y a du soleil. Et même, je souris. Oui, oui. Moi. Je souris. Incroyable. Je regarde autour de moi, heureusement, personne. Je suis un peu gênée de mon sourire incongru.
Puis, je suis débordée de sensations pétillantes. Mais… je ris !
Et… j'ai faim !